1=0, la rage dans les veines

Chronique

La première fois que j’ai entendu 1=0, j’ai cru qu’il s’agissait d’un groupe de gamins énervés, à fleur de peau et incontrolables. Il y avait marqué « Rage Without The Machine » et c’était exactement ça. Il y avait quelque-chose de très hip hop, dans le ton, dans les mots, mais surtout dans la construction des phrases où certaines sentences ressortaient d’un ensemble plus ou moins onirique, plus ou moins intelligible comme un uppercut dans la gueule.

C’est seulement en voyant des vidéos du groupe que j’ai compris qu’il s’agissait d’un quatuor aguerri qui possédait une vraie précision technique sans jamais pour autant tomber dans les travers du math-rock. Ca aussi c’est une force de 1=0 : alors qu’une grande partie de la scène hardcore / post-hardcore / math-rock française cherche sans cesse à démontrer ses atouts techniques et à prouver qu’elle « sonne » aussi bien que ses homologues américains, l’équipage 1=0 lui assume et tire avantage de tous les tics français que ce soit au niveau de la voix très hachée, que de la production chaotique, mais rugueuse comme il faut.

Bien sûr au début, on pense à Programme, à Diabologum, à Experience et à toute la sphère Michel Cloup, mais très vite on réalise qu’il y a une folie ici, un truc non réfléchi, une manière de ne pas cacher ses défauts et de ne jamais retenir ses gestes. Sur « Sec », il y a des mots qui choquent et des mots qui s’entrechoquent (cf « Serguei ») et on aurait presque envie de tomber dans le cliché et de citer Céline. Car le côté littéraire / écorché vif de 1=0, on ne peut jamais le mettre de côté, c’est même lui qui finit par nous obnubiler.

Le groupe se plait à citer Tool comme influence, mais c’est presque une facétie, un moyen de rappeler que s’ils jouent avec leur tripes sans rien préméditer, ils possèdent quand même un amour de l’instrument et de la structure. Pas étonnant qu’ils reprennent du Chokebore (toujours le côté à fleur de peau) ou que leurs chansons soient habitées par des positions sociales implicites ou sous-entendues.

1=0 sort un nouvel EP intitulé Forteresse, le single est en écoute ci-dessous.

 

on est des forteresses
qui protègent des histoires
ou s’en vont écouter
celles des autres forteresses
la façade que t’arrache la tendresse
c’est des ruses de la race
histoire de durer
c’est la guerre partout

 

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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