CLARK – Totems Flare

Electro anglaise / 2009. Les artistes phares de la scène électronique contemporaine ont souvent trouvé refuge sur le label Warp. Terre d’exile pour les esprits malsains dont le cerveau fourmille d’idées et de blips, le label anglais, qui a abrité Aphex Twin, Boards Of Canada, Autechre, Plaid, Squarepusher, Broadcast, a toujours été pour moi une référence absolue sur la manière dont un label pouvait devenir une marque de fabrique et de qualité.

Malheureusement depuis quelques temps, la donne a légèrement changé. Richard D James semble toujours perdu dans des sphères atmosphérique, Autechre est de plus en plus inaccessible et Squarepusher semble obnubilé par l’idée de faire de la techno-jazz-bass un style de musique à part entière. Du coup, d’autres groupes, bien éloignés des territoires électroniques, ont depuis rejoint les forces anglaises et consolidé les rangs, des troupes d’élites composés entre autres de Maximo Park, de Battles, de Gravenhurst… mais aussi évidemment des grands Grizzly Bear.

En 2006 « Body Riddle » de Clark fut mon album Warp de l’année (car oui, tout comme, chacun a besoin de déterminer son meilleur album de l’année, il faut bien aussi annuellement décider de son meilleur Warp), cependant « Veckatimest » oblige, l’exploit ne sera par réitéré cette année. Pourtant « Totems Flare » n’en est pas moins un des meilleur opus électronique de l’année. Certes, il est caractéristique d’un style de musique qui ne sait plus trop vers où évoluer : anachronique, donnant l’impression d’être un disque du début des années 2000 (un comble pour une musique si futuriste), à la limite du manque de d’inspiration et de l’absence de renouvellement, il serait finalement assez facile de s’en prendre à Clark.

Mais voilà, je vois dans « Outside Plume » un titre dancefloor bien plus ambitieux que les derniers Prodigy et Birdy Nam Nam (enfin je parle plus d’IDM). La montée en puissance a beau mettre du temps à se mettre en place, les beats ne tardent pas à s’immiscer dans la tête et à interagir avec chaque neurone ; l’âge d’or d’AFX n’est pas loin. Cependant « Growls Garden » casse cette puissante dynamique. La voix robotique ralentit la rythmique et pourrait presque sembler ridicule, néanmoins elle rappelle les grandes heures de l’electro dark voir de l’EBM, on se croirait presque dans un mix entre Front 242 et Skinny Puppy ; un titre étonnement obscure en ce début de disque qui en plus se permet de jouer la carte de la coupure net en plein milieu. Étrange mais passionnant !

« Rainbow Voodoo » déroute complètement lors des premières écoutes mais n’en devient pas pour le moins ultra additif. La fin a beau rappeler les pires égarements de Squarepusher, l’auditeur reste quand même plus qu’intrigué par cette étrange puzzle. « Look Into The Heart Now » fait dans le plus pur Clark et assure à « Totems Flare » les repères dont il avait besoin.

« Luxman Furs » est une digression électronique martiale et angoissante, mais qui est trop vintage (l’effet Fruity Loops) et donc légèrement dispensable. Au contraire « Totem Crackerjack » fait remonter la pression, ça blaste vite et ce en toute discrétion, les boucles sont infernales, le rythme cardiaque s’emballe et lorsque l’on croit que ça s’arrête enfin, ça recommence de plus belle. « Future Daniel » est l’enchaînement parfait, de la pure Intelligent Dance Music réalisée dans les règles de l’art. Après un court interlude, « Talis » se rapproche à nouveau de l’electro-indus pour un titre difficile, qui n’a pas pas peur des changements de styles. Après une dernière salve (« Suns Of Temper »), « Totem Flare » se termine comme il se doit sur de l’electronica ambiant avec « Absence ».

Clairement ce dernier Clark est souvent décousu, comme un labyrinthe qui aurait été construit au fur et à mesure sans aucune conception préalable. Du coup on se perd souvent dans « Totems Flare ». On est surpris et déstabilisé, on se dit que tout cela manque de retenu, de sens, de cohésion et pourtant, quand par miracle, on trouve la sortie du labyrinthe, une seule idée nous traverse l’esprit : y retourner.

Note : 8/10

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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