Comment reconnaître un bon groupe?

Tuto

A quelques jours de la fin des votes pour le Prix Ricard S.A. Live Music, un nouveau kit de survie 100% mauvaise foi qui devrait vous permettre, on l’espère, de trouver chaussure à son pied et groupe pour vos oreilles. Solidaire mais pas inconsciente non plus, la direction décline toutes responsabilités quant aux propos tenus par l’auteur, actuellement en convalescence dans une maison de repos avec un best-of de Phil Collins en guise de sédatif.


Le syndrome « Musicalement »


J’entends d’ici les craquement de doigts, vous vous dites « okay non seulement le mec écrit n’importe quoi mais en plus il recommence comme avec son top 5 sur les mauvais groupes,, remboursez-moi la lecture de ce papier gratuit !». Rassurez-vous, s’il est vrai que mes écrits n’ont pas été certifiés conformes par un huissier de justice au son d’un gong tibétain, en remettre une couche sur le syndrome « musicalement »[1] n’est pas forcément stupide. Car oui c’est vrai : le bon groupe ne signe pas ses mails musicalement. D’ailleurs le vrai bon groupe, celui dont les morceaux vont t’occuper toute la nuit, une semaine, toute l’année, bref ce bon groupe qui va s’immiscer dans ton cerveau au point d’éclipser tous les autres, ce n’est pas celui qui passe ses journées à envoyer des mails, mais celui que tu as découvert par hasard au détour d’une page Facebook, par le bouche à oreille, sur une page bandcamp en trainant le soir devant ton écran, voire même à la médiathèque du coin en allant fureter du côté du rayon poussiéreux délaissé par les fans d’Indochine. Donc plutôt que d’attendre qu’il tape à la porte comme dans les années 90 – tu sais ce moment où tu attendais avec impatience de déchirer l’emballage de ton magazine musical préféré où l’on te disait quoi aimer – désormais c’est à toi de partir à la recherche de la perle rare. Et coup de bol pour toi : à l’heure où les réseaux sociaux se sont imposés comme le premier média – n’en déplaise aux magazines et sites musicaux que plus personne n’écoute vraiment – c’est toi qui fait la carrière d’un groupe. Et personne d’autre.

pop-olympics-best-fans-bieber


Compter c’est tromper


Les chiffres sont parfois trompeurs. En dépit de la tendance consistant pour les labels à vérifier le nombre de fans ou followers d’un groupe – véridique – avant de s’engager sur le moindre rendez-vous, un groupe inconnu au bataillon affichant fièrement ses 150.000 fans sur Facebook est hypothèse A. le cousin pistonné par Mark Zuckerberg, hypothèse B. actionnaire majoritaire d’une boite de com’ virale délocalisée à New Delhi avec de petits indiens qui trafiquent sa page, ou hypothèse C. un groupe 100% marketing. Trouver le bon groupe, c’est aussi savoir braver le désert qu’il l’entoure et faire abstraction des 245 vues sur le clip publié sur Youtube pour déceler ce qui demain pourrait bien contaminer tout votre entourage. Qu’on cautionne (la team RLM) ou pas (moi-même) le succès de Fauve, même eux ont commencé par la petite porte. Ça s’appelait The Fleets et ça n’intéressait pas grande monde. Bon, faut dire que ça cassait pas trois briques à un canard.


Vous n’êtes pas à l’usine


A ce stade, vous aurez bien compris que ce papier n’est pas destiné à vous expliquer ce qu’est un bon morceau – on n’est pas à la Star Acacademy et si j’avais la recette du tube je serais en train de jouer à Candy Crush avec Kanye West. En revanche, et c’est un problème que rencontrent autant les journalistes musicaux que les mélomanes, écouter successivement plusieurs artistes d’affilée peut brouiller l’oreille. En fait, il n’y a rien de pire pour passer à côté du vrai BON groupe que d’écouter sa musique comme on irait pointer à l’usine. Aucune loi scientifique ne confirme cette règle, mais il est communément admis que passé trois disques ou groupes d’affilée, c’est un peu comme choisir la couleur de la moquette après avoir vu 40 échantillons, on finit par ne plus rien voir ni entendre correctement. A moins d’être un fan de techno bulgare hardcore avec deux voyelles sur le refrain, il faut un minimum de temps de cerveau disponible pour rentrer dans un morceau. Alors n’allez surtout pas croire qu’écouter 20 secondes des trois premiers morceaux suffisent à se faire une idée pour trouver le nouveau Jeff Buckley !

bush_doing_it_wrong


L’effet « cordonnier mal chaussé »


Un groupe mal fringué peut aussi, comme dirait l’autre, vous enduire d’erreurs. On a coutume de dire qu’un artiste-entrepreneur au 21ième siècle a forcément tout compris à la musique, au graphisme ainsi qu’aux fondamentaux du look érigé par KKKarl Lagerfeld. C’est souvent vrai – par exemple on imagine mal le prochain lauréat du Prix réhabiliter la tatane – mais c’est parfois faux. Photos promotionnelles mal cadrées ou carrément floues sur un mur en brique, dress code hasardeux… on oublie souvent qu’un artiste indépendant n’a 1. pas les moyens de s’offrir les conseils de Cristina Cordula (et quelque part c’est tant mieux) et 2. pas forcément de temps à consacrer aux apparences en plus de ses répétitions et des concerts à monter avec trois bouts de ficelle, et tout ça en plus du boulot alimentaire pour payer ses factures. Au moment de trouver le bon groupe, sachez faire preuve d’indulgence en évitant d’être snob : faites comme avec les cadeaux de Noël, fermez les yeux et pensez à autre chose.

happy-ugly-sweaters-lg


Ne pas faire confiance aux experts (arrêtez de lire ce papier)


Les avis de spécialistes, merci bien. Le bon groupe, c’est celui que tu as choisi. Peu importe que ces enfoirés de médias bobos parisiens aient décidé – cigarette électronique et vélib à la main – que le next big thing ressemblerait à du sous Biolay croisé avec La Fouine (t’en fais pas ça va se vendre à 40 exemplaires sur le Bon Coin Coin), tant pis si les potes de ton bled paumé te font subir la lapidation parce que tu adores cet autre groupe pop prétentieux avec des synthés ras la gueule, l’important pour un fan(atique) c’est d’y croire. La première chose à faire quand on est certain d’avoir trouvé le bon groupe, c’est donc de se boucher les oreilles. Le bon avis, ce n’est pas celui qui colle aux goûts des médias – ni même à celui du jury, le bon avis c’est celui que tu sauras défendre jusqu’au bout, envers et contre tous. Et si tout le monde est contre toi, avoue que c’est encore plus tentant…

5387f8294277fe629aa65a2ce16540c3ebd3d865facfc3ff4fab54af201f4dde

[1] Rappelons à ceux qui nous rejoindraient en cours d’émission que ce syndrome désigne tout groupe terminant ses mails par un affreux « musicalement » qui souvent ne laisse présager que le pire que les qualités dudit groupe.

À propos de l'auteur :
Bester

Fondateur et rédacteur en chef du site et magazine Gonzaï, Thomas (aka Bester) dirige également Jack, la plateforme musicale de Canal Plus. Il est l’un des membres historiques du jury du Prix Société Pernod Ricard France Live Music et écrit régulièrement sur le site pour dispenser des bons (et quelquefois mauvais) conseils aux groupes qui voudraient faire carrière.

Voir ses articles