FIRST AID KIT – Big Black & the Blue

Folk suédoise / 2010. Des fous rires complices, des rêves plein la tête, le talent pour mère, le manager pour père, l’insouciance de l’adolescence en ligne de mire, l’envie de croquer le monde à pleines dents et au final des chansons d’une tristesse pesantes, des sourires qui cachent un vague à l’âme trop précoce.

First Aid Kit est un duo suédois, deux sœurs, deux petites têtes d’ange qui en cumulé n’ont pas encore l’âge de connaître la crise de la quarantaine. Il y a de quoi se méfier au premier abord. On nous a peut être un peu trop déjà fait le coup du groupe familial composé de mineurs et mené d’une main de fer par une figure paternelle aimante. En général, ça finit au mieux devant les tribunaux, au pire dans les caniveaux, avec la sainte trinité drogue, alcool et suicide en prime. Mais bon il semblerait qu’on ait pour l’instant à faire à une véritable belle histoire suédoise avec Stockholm et la neige en toile de fond.

Ce qui frappe au premier abord chez First Aid Kit, c’est évidemment la maturité de l’ensemble. Il n’y a pas ici la moindre trace d’innocence juvénile. Dès « In The Morning », les jeunes filles usent d’une introduction a capella pour toiser son auditoire et mettre les choses au clair : elles ne concourent pas dans la catégorie jeunesse des meilleurs espoirs de la musique folk actuelle mais bien dans la catégorie phare. L’âge n’est pas un argument ou un artifice ici, c’est une anecdote. Sur « Ghost Town », les voix des deux sœurs sont amples, elles se mélangent, se dédoublent et créent la profondeur. L’osmose est indéniable et les invitations à l’introspection se succèdent (« Josefin » et « A Window Opens »).

Dommage que la principale force de First Aid Kit soit aussi son premier défaut. Trop consciente de leurs talents vocaux, les jeunes filles ont tendance à laisser « Big Black & the Blue » reposer dessus. Cela crée ainsi parfois une certaine lassitude et un manque de surprise et de complexité mélodique. C’est effectivement, lorsque le son s’étoffe, comme sur l’entraînant « Sailor Song », que les filles ont le plus l’occasion de sortir de leur carcan, de casser leur image et de conférer une ambition supplémentaire à l’opus.

Méprisant pourtant avec une certaine véhémence, les formules toutes faîtes comme « La valeur n’attend pas le nombre des années », je dois bien avouer que ce duo possède une aura qui l’emmène à mille lieux de la légèreté de ses congénères générationnelles. Je ne sais pas ce qu’il y a derrière, s’il s’agit d’un père marionnettiste ou tout bonnement de sorcellerie, mais il faut bien réaliser que ces gamines écrivent des chansons à l’âge où je croyais encore que j’écouterai du néo-métal toute ma vie.

Note : 7,5/10

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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