J’IRAI FILMER CHEZ VOUS : NEESKENS (JOUR 12)

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Le compteur de la Batmobile affiche 2035km parcourus en 12 jours, on a bouffé autant de route que de frites Mcdonalds et quand débute ce dimanche enfariné, on n’a qu’une seule question en tête : la providence va-t-elle nous laisser un peu de répit ? Et aussi, peut-on ignorer le réveil qui sonne et remettre la tête sous l’oreiller ? Comme vous l’aurez remarqué, ça fait deux questions. Auxquelles vient finalement se rajouter une troisième : comment va se passer la rencontre avec Neeskens, prévue à Chambéry dans un hôpital psychiatrique ? Be kind rewind, on rembobine.

Tout commence au petit déjeuner de l’hôtel par une énième question, qu’à vrai dire on n’attendait pas : « alors, ça va espèce de gros con ? ». Ca, c’est Rod qui me dit bonjour devant la machine à jus d’orange. Il est mignon. Dans son langage, ça veut simplement dire « bonjour copain ». Quand on a compris le mode d’emploi de notre réalisateur préféré, il est alors facile de répondre par une vacherie du même acabit – et c’est certainement ce que j’ai fait – qui augure d’une énième journée rocambolesque.
Dimanche est le jour chômé du Seigneur, mais là tout de suite c’est le douzième jour sans repos. Sur la feuille de route concoctée par notre « guide » Adrien, il est écrit que nous devons être à Chambéry vers 14H00 pour tourner, euh, dans un hôpital psychiatrique avec le groupe folk de Neeskens. On n’en sait pas vraiment plus, si ce n’est que le point de rendez-vous est fixé près d’un château. 11H00. Décollage de notre hôtel lyonnais direction la ville savoyarde. Décollage, décollage… je dis ça mais vu notre état physique, ça ressemble plus au radeau de la méduse muni d’un GPS.

Deux heures et des poussières plus tard, après que nous ayons fait du zig zag à travers des montagnes alpines de toute beauté, Chambéry apparaît enfin à l’horizon. Est-ce la fatigue ou simplement le fait qu’on a envie de se défouler pour oublier qu’on est en train de rater Téléfoot, mais toujours est-il que les murs gris, le silence et les rues désertes de Chambéry nous donne l’impression de débarquer dans une ville bombardée la veille, voire de débarquer dans un épisode de Walking Dead avec des zombies déboulant de derrière la boulangerie – fermée par ailleurs. Va-t-on se faire mordre par des skieurs contagieux, être attaqué par des terroristes à coup de fondue génétiquement modifiée ? « Chambéry est à l’onirisme ce que Zaz est à la chanson » s’esclaffe Rod, « en fait c’est Chiantbéry » que je rajoute, « et moi j’ai encore des problèmes gastriques » dit Adrien, sévèrement ballonné. Comme vous pouvez le voir, on n’est pas au mieux de notre forme.

Le temps d’un arrêt au Quick local – voyez, on varie les plaisirs sur la malbouffe – qu’il est déjà l’heure de se rendre au point de rendez-vous griffonné sur un bout de papier. Le château est bien là, l’hôpital aussi, mais pas de trace du groupe. Coup de fil à Neeskens, qui nous confirme être à la bonne adresse. Cinq minutes de dialogue de sourds passent. Le groupe finaliste n’est toujours pas en vue. Nouveau coup de fil, et là c’est la blague : « ah mais vous êtes à Chambéry ! C’est pas du tout là, c’est dans la ville à coté ! ». Okay, on résume. 45 minutes de perdu car on a réussi l’exploit de trouver un hôpital à coté d’un château certes, mais pas dans la bonne ville ; c’est tout à fait ubuesque.
Dix minutes plus tard, enfin remis sur les bons rails, nous arrivons cette fois dans le vrai hôpital déniché par les Neeskens, dont on apprend qu’il fait aussi office d’école de musique au premier étage. A ce stade, on ne s’étonne plus de rien ; même pas des walkers en robe de chambre qui déambulent dans le jardin. « Le vrai Walking Dead, c’est bien ici à l’hôpital » nous confie le batteur. Passons justement à l’histoire du groupe.

Le trio de Neeskens vit entre Aix-les-Bains et Annecy ; le pianiste Anis – certains remarqueront peut-être le comique de la situation – et le batteur ont rejoint le leader voilà 1 an et demi, et c’est donc en configuration tambourin-guitare-piano que la session va bientôt débuter, dans les escaliers éclairés pour l’occasion. Le titre du morceau, Where bridges end, est un bon résumé du moment qu’on s’apprête à passer avec Neeskens, il est facile d’imaginer ce titre sur un album de Tom McRae, à qui le songwriter nous fait évidemment penser, comme à Nick Drake – son idole. En langage journalistique, on parlerait d’une folk boisée, ce qui ne veut évidemment rien dire ; n’empêche les sonorités acoustiques qui résonnent dans l’escalier colle bien à l’esprit du lieu, à l’ambiance nature et découverte. Une seule prise, et c’est déjà dans la boite. Le temps d’apprendre que Neeskens a un album sur le feu et que son nom est un hommage à un joueur de foot hollandais des années 70, qu’il est déjà l’heure de plier bagage.
Car remontés comme un coucou suisse, nous avons décidé de remonter d’une traite à Paris, soit six heures de route qui seront englouties d’une traite, avec l’hôpital psy qui lentement s’efface dans le rétroviseur. Dans la voiture, nous passons en revue tous les groupes finalistes déjà rencontrés en refaisant l’histoire à l’envers, nous remémorant telle session, tel rencontre, pour voir si un lauréat potentiel se démarque du peloton. Débat houleux, gentille engueulade sur tel ou tel, la discussion nous fera finalement une partie du chemin, sans qu’on parvienne à s’accorder. Pas facile la vie de jury. 22.30, arrivée sur Paris, rideau. Encore trois groupes à rencontrer entre lundi et mardi, et puis notre tournée des finalistes sera enfin bouclée. Arrière-gout de nostalgie, c’est déjà bientôt la fin.

(PLUS OU MOINS) TROIS QUESTIONS EXPRESS À NEESKENS

Qu’espérez-vous du prix Ricard S.A. Live 2014 ?

Neeskens : Clairement les concerts, et la mise en avant du projet au cas où nous gagnerions le Prix, de l’EP ou du LP que je m’apprête à sortir. Et aussi avoir la possibilité de rencontrer un public plus large. Surtout que comme les autres groupes finalistes cette année, j’ai l’impression que le Prix offre une véritable valeur ajoutée.

Et hormis vous (évidemment), quel groupe mérite le plus de gagner cette année ?

Neeskens : J’aime beaucoup les Two Bunnies in Love, mais s’il faut en retenir un, je dirai les A Rainmaker, probablement parce qu’ils sont davantage dans mes influences.

Votre argument choc pour séduire le jury ?

Neeskens : J’ai plein d’énormes tubes en stock, des chansons magnifiques. Cela fait quelques années que je fais de la musique, et je me rends compte que je peux pondre des mélodies qui défoncent, surtout depuis 1 an où j’ai l’impression d’avoir trouvé la configuration idéale pour laisser mes idées s’exprimer librement.

À propos de l'auteur :
Bester

Fondateur et rédacteur en chef du site et magazine Gonzaï, Thomas (aka Bester) dirige également Jack, la plateforme musicale de Canal Plus. Il est l’un des membres historiques du jury du Prix Société Pernod Ricard France Live Music et écrit régulièrement sur le site pour dispenser des bons (et quelquefois mauvais) conseils aux groupes qui voudraient faire carrière.

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