De la philo (un peu), du rose (beaucoup) et des mélodies venues du cosmos (pas mal), c’était le programme de notre deuxième journée de tournage avec Pink Noise Party, trio parisien capable de citer Zaz et Michel Onfray dans une même phrase avant d’attaquer le tournage de sa session à découvrir dès cette après-midi. Après Jérémie Whistler la veille, un nouveau groupe bien barré qui, comme un certain Claude F, aime bien mettre les doigts dans la prise…

« Je n’ai qu’une philosophie / Être accepté comme je suis / Malgré tout ce qu’on me dit / Je reste le poing levé ». Même si ça leur va comme un gant, ce ne sont pas des paroles extraites d’une chanson de Pink Noise Party, mais (entre autres) du poète contemporain Kendji Girac. Dans la bouche du trio parisien, et pendant les deux heures que prendra l’installation du matériel d’enregistrement, la philo a pourtant une autre gueule que chez le chanteur manouche. Syd X. Rey, le chanteur, ressemble étrangement à un Edouard Baer à paillettes, Joy Buckley, la bassiste-chanteuse, joue comme une dynamite montée sur ressort, et Sébastien, le batteur, possède le look d’un méchant russe tiré d’un épisode de James Bond, mais façon Moulin Rouge, avec maquillage et tenue de scène (mais sans plume là où je pense). Pink Noise Party, avec deux EP’s à son actif, ne fait pas dans le Ukulélé nature et découverte avec barrettes dans les cheveux. Son truc, c’est le disco-punk explosif influencé – je cite – par « les oscillations quantiques du cosmos ». Vous êtes sceptique ? Passons au paragraphe suivant.

Romain Della Valle, notre réal son tout terrain. Photo : Rod Maurice
Romain Della Valle, notre réal son tout terrain. Photo : Rod Maurice

Le groupe nous a donné rendez-vous au 59 Rivoli, l’un des squats officiels de Paris, et surtout un sacré bordel en plein cœur de la ville sur 5 étages où se pressent les touristes pour découvrir cette sorte de Louvre complètement freak. Sur la devanture du bâtiment, le groupe vient d’accrocher une bannière à son effigie, ça plante le décor. Pink Noise Party, comme on dit, n’est pas venu là pour beurrer des tartines. Alors que le groupe s’installe dans l’un des ateliers du Squat, le leader Syd se laisse aller à quelques confidences dont ce formidable « au fond ce qu’il manquait au marxisme c’est la prise en compte du désir » qui traduit bien l’envie du groupe d’explorer librement une pop décomplexée sans pour autant tomber dans le rock festif. Plus shakra pink que Shaka Ponk, quoi. Et Syd continue sur sa lancée devant la team RLM, gueule ouverte comme dans un épisode de Tex Avery : le « party » de Pink Noise Party », c’est pour le double sens du mot : « la fête n’est intéressante que lorsqu’elle est adossée à un sens politique ». Okay, ça change des groupes qui savent à peine épeler leur nom… Quant à la dimension cosmique du groupe, c’est tout sauf du flan. Car au civil Syd, toujours lui, est un véritable professeur de… physique quantique. Ça vous la coupe ? A nous aussi. « Et les machines pour faire des mélodies d’origines cosmiques, elles existent vraiment, on les stocke dans mon labo. Bon faut dire que 99% des mélodies aléatoires sont à jeter mais reste les 1%… ». Okay, ce groupe est complètement fou.

« Quelqu’un qui chante à cappella sur un ghetto master, c’est Christine and the Queens nan ? »

Après une séance de mauvaises blagues pour la décontraction et 2 heures de balance – je le répète parce que c’est un peu long – à cause d’une défaillance sur le ear monitor de Sébastien le batteur, c’est finalement parti pour deux prises du morceau The fear creature, un titre chanté à l’unisson avec une Joy qui touche à peine le sol. Drôle d’ambiance dans l’atelier d’artiste, des visiteurs passent à l’improviste, s’arrêtent, regardent, applaudissent, alors que Rod et Romain mettent en boite la session et qu’Adrien tente, en vain, de nous expliquer à ranger les câbles des 125 kilos de matos qui vont nous accompagner pendant toute la semaine. « Le câble, tu vois, il faut savoir écouter sa fibre naturelle et le laisser s’enrouler tout seul ». On a l’impression d’entendre un chasseur nous expliquer comment tuer des perdrix, on n’a pas encore tout compris…

Photo : Rod Maurice
Photo : Rod Maurice

16H00, la session est en boite, tout le monde s’applaudit à l’américaine, fin d’enregistrement. Les membres de Pink Noise Party nous expliquent qu’ils souhaitent réinventer le show pop en le nourrissant des autres arts, du théâtre à la poésie en passant par… les costumes roses. Et qu’ils ont un nouvel EP sous le bras, prêt à sortir, qu’ils aiment composer leurs chansons dans plusieurs langues (l’Anglais, l’Allemand, le Polonais, l’Italien… le Klingon aussi ?) et que dans un avenir proche, ils aimeraient bien se frotter au format album pour raconter de vraies histoires au delà du format single. Du peps à revendre, un cerveau, une attitude scénique atypique, le moins qu’on puisse dire c’est qu’à l’inverse du morceau joué, ces jeunes gens n’ont peur de rien.

Clap de fin. On se quitte finalement sur le trottoir de Rivoli, en pleines soldes parisiennes et dans un froid hivernal qui donne envie de construire une cheminée, là, tout de suite, à même le trottoir. « Au fait, on tourne où demain avec Monterosso ? », demande-t-on en grelotant au responsable des plannings. « Oh, apparemment ça se fera sur un toit d’immeuble à Bagnolet.. » répond nonchalamment Adrien. Silence. Okay, deux solutions. Soit les membres du groupe possèdent une ceinture noire en ski alpin, soit ils en veulent aux membres du jury et souhaitent nous coller une pneumonie après seulement trois jours de tournage. On reprend contact avec vous dès demain, en direct depuis le stand de réanimation.


Trois questions à Pink Noise Party


Qu’attendez-vous du prix Ricard S.A. Live 2014 ?

Syd : La réponse est très simple, l’argent reste le nerf de la guerre. En tant qu’artiste tu peux adopter une posture singulière, il n’empêche qu’aujourd’hui il faut avoir des moyens pour se faire entendre. Donc il est évident qu’avoir une structure derrière toi, qui te soutient et qui t’apporte son expérience, c’est important. Le mythe de l’artiste 360° s’arrête au moment où l’artiste comprend qu’il ne peut pas être au four et au moulin ; nous en tout cas on n’a pas les compétences pour tout faire. Y’a une limite au do it yourself. Et puis il faut reconnaître que parmi tous les systèmes de soutien, le Prix RLM est certainement l’un des plus complets, peut-être aussi l’un des plus « rock’n’roll ».

Admettons que demain – pas de bol – vous mourrez dans un accident d’avion, pour quel groupe voteriez-vous parmi la liste des dix finalistes ?

Joy : Moi j’avais écouté tous les groupes deux fois et même fait un pronostic sur le top 10 du jury, avec des groupes comme Jérémie Whistler ou Parc. Au final 5 d’entre eux ont finalement été sélectionnés et évidemment on s’était mis dedans, ah ah !

Votre argument choc pour séduire le jury ?

Syd : Le fait qu’on ait viscéralement envie de raconter quelque chose sur scène. Et quand je dis sur scène, c’est au sens large, d’une salle de concert à la rue où l’on a récemment fait une performance. Pink Noise Party c’est l’idée de réinjecter du sens dans la pop, recréer un concert avec le public, où qu’il soit. Et puis c’est jouissif d’être en costume !

Photo : Rod Maurice
Photo : Rod Maurice

Un grand merci aux artistes du 59 Rivoli et en particulier à Francesco, Allo Cha, et Gaspard Delanoë pour nous avoir accueilli dans leur atelier lors de ce tournage !