De ce fait, la première écoute « 808’s & Heartbreak » déconcerte tant il s’éloigne du Hip Hop classique. A priori, il ne s’agirait que d’un album à part, un exercice avant la sortie du véritable successeur de « Graduation ». Néanmoins à l’écoute de titres comme « Say You Will », on peut d’ores et déjà s’interroger si Kayne West ne devrait pas maintenir cette orientation tant il propose ici une formule ultra excitante : du dark R’N’B, de la pop dansante torturée. On pense à Burial tant on ne sait pas s’il faut mieux écouter cet album sur un dancefloor halluciné ou seul dans l’obscurité de sa chambre.
« Welcome To Heartbreak » illustre parfaitement ce nouveau son, sur une mélodie qui pourrait paraître simpliste, Kayne West greffe plein de petits sons, donnant du coffre au titre et accroissant considérablement sa durée de vie. « Heartless » et « Amazing » fonctionnent sur le même principe, sous une fausse banalité décelée par l’auditeur peu attentif, leur aspect easy-listning est en fait compensé par une multitude de bonnes idées mélodiques. « Love Lockdown » aurait pu être une simple jolie love song de plus, mais une boucle martiale de batterie vient perturber le déroulement du titre et la replace sur des voies plus expérimentales.
A ce stade, toute proportion gardée en terme d’ambition artistique, on se dit que Kayne West n’ait pas si éloigné que ça dans la démarche d’un Tv On The Radio. La cohérence de l’album n’est jamais sacrifiée sur l’autel de la multitude des genres abordés, et il y a cette volonté permanente de complexifier des titres accessibles.
« Paranoid » me rappelle la pop sucrée de Tahiti 80. Sur « Street Lights » les textures sont des plus savoureuses et l’excitation est maintenue à son comble. « Bad News » se développe calmement sans en faire trop et l’on apprécie l’économie de moyens. Même sur des titres qui me touchent moins comme « RoboCop », on ne peut qu’être conquis par l’originalité du son. C’est très simple, cet album me fait presque penser au fabuleux « Map Of What Is Effortless » de Telefon Tel Aviv. « Coldest Winter » appelle encore à d’autres émotions et place un petit clavier rappelant délicieusement Cure.
Alors oui certains seront déçus par cette utilisation récurrente du vocodeur qui diminue les prouesses vocales de l’américain et regretteront l’absence de titres hip hop, mais franchement entre des chansons aux samples faciles comme « Stronger » ou des love songs mielleuses comme « Everything I Am », et ce « 808’s & Heartbreak » sexy, chaleureux et complexe, mon choix est vite fait.
Sûrement l’album le plus fédérateur de l’année, un truc à la fois commercial et pointu, qui mérite une écoute attentive pour en comprendre toutes les subtilités et réaliser que l’egotrip n’empêche pas d’écrire de grandes chansons.
Note : 7/10