Live Report : KILLING JOKE Au Trabendo

Post Punk, New Wave, Indus, Metal / Paris / 27/09/08. De tous mes groupes préférés, Killing Joke était l’un des rares que je n’avais encore jamais eu l’occasion de voir sur scène. Ainsi, j’attendais cette soirée de pied ferme avec cependant une pointe d’appréhension. Comment Killing Joke pouvait-il rendre sur scène ? Jaz Coleman réussissait-il à rester assez normal le temps d’interpréter les titres ? Comment s’organisait la tracklist ? Comment couvraient-ils les différentes périodes du groupe qui n’ont tellement rien à voir entre elle ?

Pour bien comprendre toutes ces interrogations, il faut avoir une petite idée de ce qu’est Killing Joke, le groupe « culte » par excellence. Très brièvement, et à destination de ceux qui ne souhaitent pas parcourir les nombreuses biographies du groupe, Killing Joke c’est dans l’ordre chronologique : les pionniers du post punk au début des années 80, puis l’un des principaux concurrents de Depeche Mode avec leurs gros singles new wave comme « Love like blood », puis un groupe de quasi variété, puis l’un des leader de la musique industriel en 94 avec « Pandemonium », puis le responsable de l’une des meilleurs albums de metal des année 2000 avec Dave Grohl à la batterie. Ajouté à ça, les fresques du chanteur Jaz Coleman, compositeur résident de l’orchestre symphonique de Prague, spécialiste des sciences occultes, ayant participé à la BO de Mulan de Walt Disney, s’étant déjà exilé en Islande persuadé que c’était la fin du monde et ayant enregistré les voix de « Pandemonium » dans la chambre du Roi de la grande pyramide de Gizeh en Égypte, et vous êtes à la moitié de l’idée de ce que peut être Killing Joke, c’est-à-dire l’un des groupes les plus intrigants de l’histoire du rock.

Cette deuxième date au Trabendo devait avoir pour thème « Pandemonium » mais au final la tracklist couvrira parfaitement l’intégralité de la carrière de groupe. Dès l’entrée des anglais, et ce malgré le décès de Paul Raven (Prong, Ministry, Godflesh), un petit frisson parcoure la salle en voyant le groupe dans sa formation originelle (Coleman, Walker, Youth et Paul Ferguson). Jaz Coleman a comme d’habitude le visage peint et le son si caractéristique de la guitare de Geordie Walker résonne dans la salle. Les premiers titres sont tirés des premiers albums, puis viennent « Love like blood » et « Eighties » avant de rentrer dans le vif du sujet avec du « Pandemonium » et notamment le somptueux « Black Moon ». Le groupe fait un détour par ses productions plus récentes avec le fort agressif « Asteroid » avant de laisser le public sans voix sur « Wardance ». Ce qui est incroyable, c’est que tous ces titres issus d’album tellement différents en terme de styles, se fondent ici pour former un set incroyablement cohérent, comme si finalement toutes les périodes de Killing Joke avaient toujours concouru vers le même point. Portées par la voix de Coleman et par la guitare de Walker, les chansons se répondent entre elles, s’enchevêtrent sans que les 20 ans qui séparent certaines d’entre elles n’aient leur mot à dire.

Techniquement très au point – mais c’est le minimum pour un groupe de cet acabi – Killing Joke surprend surtout pas la prestation de son chanteur : complètement halluciné lors de l’interprétation des titres, à la limite de la transe, emporté par son rôle, donnant l’impression d’interpréter un opéra wagnérien, Jaz Coleman n’en est pas moins extrêmement affables entre les titres. Je l’imaginais mystérieux à la Maynard Keenan, mais bien au contraire c’est un vrai moulin à parole. On aura ainsi le droit à ses prises de positions politiques, à ses réflexions sur l’écologiques, ses « C’est quand même incroyable que l’homme soit capables d’aller sur la Lune mais qu’ils soient incapable de garder une rivière propre », et puis ses blagues, sa bonne humeur générale… que des choses qui confirment combien Killing Joke est un groupe bizarre et toujours dans le paradoxe.

Enfin bon la conclusion, c’est que c’était un fucking show de post old new wave indus punk métal, et que ça il n’y a vraiment qu’un seul groupe au monde qui pouvait nous l’offrir.

Note : 8,5/10

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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