SLIPKNOT – All Hope Is Gone

Metal Américain / 2008. Je l’ai écouté maintes et maintes fois, décortiqué dans tous les sens, mais rien y fait ce nouvel album de Slipknot me laisse perplexe : c’est une telle juxtaposition de passages chaotiques géniaux et de ringardise américaine absolue… et ce souvent dans une même chanson. Slipknot fait partie de ces groupes qu’il est à la fois difficile d’aimer (à cause de l’imagerie parfois puérile, du côté mainstream de la voix claire de Corey Taylor, à cause d’un je ne sais quoi qui gène toujours) et difficile de détester (le chaos sonique étant régulièrement jouissif). De ce fait, je vais essayer de faire fi du passé et de juger ce « All Hope Is Gone », sans à priori, sans parler masques, et en partant de l’hypothèse (presque un axiome) que Slipknot a toujours été plus un groupe de métal que de néo métal.

L’album débute sur un titre fort (« Gematria ») dont la première partie instrumentale un peu influencée par Meshuggah débouche sur ce que Slipknot sait faire de mieux : du violent accessible. Ca arrache sec et Joey Jordisson martèle les fûts avec un talent jamais remis en question. Puis viens « Sulfur », un titre de qualité mais qui laisse déjà planer un soupçon de rengaine américaine ; vous savez bien ces intonations à la Nickelback et à la Stone Sour (l’autre groupe de Corey Taylor) qui sont tout bonnement insupportables pour une raison inexplicables mais que notre cerveau ne peut pas omettre. « Psychosocial » est un single honnête taillé pour la scène mais reste un peu facile. « Dead Memories » est de loin le titre le plus infâme du disque avec son refrain à la Linkin Park qui ne dégage pas plus d’émotions qu’une chanson de R’n’B tournant en boucle sur MTV. « Vendetta » lui a un petit côté stoner très sympathique et avance bien.

En ce milieu d’album, les choses sont déjà claires, Slipknot reste un groupe au talent indéniable. Ses intros malsaines, ses ponts instrumentaux, ses idées de riffs et surtout sa batterie qui ne laisse jamais le temps de prendre sa respiration sont à l’origine d’un plaisir indéniable à l’écoute. Mais de l’autre côté, quelque chose ne tourne pas rond. Premièrement, le chaos s’est apaisé, les percussions ont quasi disparues, les scratchs et les samples aussi ; on est loin de l’idée de départ qui consistait à prendre les éléments de tous les styles pour les incorporer à du néo death et jouer la carte de la violence permanente. C’est cela qui choque, Slipknot est devenu un groupe normal : chant, basse, batterie, guitare x 2. Quant à Corey, ses cris sont catchy et ultra entraînants alors que sa voix claire, bien que très maîtrisée, laisse un arrière goût désagréable.

« Butcher’s Hook » rappelle les gimmicks du premier album. « Gehenna » est une piste de mélancolie malsaine plutôt agréable. « This Cold Black » est un super titre à la Sepultura avec des accélérations de riffs bien vues. Puis arrive « Snuff » la balade de l’album, parce que certains croient encore qu’il faut une ballade sur un disque de métal, et cela donne évidemment un titre incroyablement laid. Et puis sans rien dire on repasse à « All Hop Is Gone », un titre à la puissance absolue que n’aurait pas renié Pantera. Enfin sur « Child of Burning Time », l’un des titres bonus, le groupe de Des Moines, se la joue même à la Tool,sans succès.

Au final, on comprend bien ce qu’a voulu faire l’entité Slipknot… ils ont voulu sortir un disque ultime de métal, un truc varié qui plairait aux puristes comme aux newbies, aux vieux comme aux jeunes, un disque qui pourrait impressionner par sa technique comme par ses refrains radiophoniques, un album qui rappellerait à la fois Sepultura, Pantera, Korn, Linkin Park, Queens Of The Stone Age et Alice In Chains…. Le problème c’est que pour faire tout ça, le groupe a du se compromettre, se disperser. Je ne remets pas en cause le fait de vouloir faire des titres plus calmes et mélodiques, bien au contraire… c’est juste que Slipknot n’a aucun talent pour ça, et ses balades ressemblent à du Staind.

Voilà, tout ça est dommage, il y avait de la matière pourtant. Cela n’enlève rien à tous les passages géniaux qui composent ce « All Hope Is Gone » mais cela l’empêche clairement d’avoir une bonne note ici.

Note : 5,5/10

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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