Transmusicales 2011, Day 2 – Live Report par Le HibOO

Live report

Hors Bars en Trans, il n’y avait pas moins de 42 groupes à voir, distillés parfois avec cruauté entre 14h et 5h du matin. Il fallait faire des choix. Ou alors courir comme un ninja ensorcelé où le seul but aurait été de prendre un cliché par live, sans pouvoir vous conter les performances de ce dernier. Et comme on ne fait pas les choses à moitié, on a décidé d’y aller un peu au pif et une chose est sûre : Le HibOO n’est pas un animal, en festival, doté d’un sens inné des bons choix.

Tout commence, mal, avec Splash Wave. A L’Ubu. Salle incroyablement mal foutue (genre la moitié de la salle n’a pas accès à la scène, et se contente de regarde une vidéo du concert projetée sur un immense mur … WTF), le concert, surbondé, est une sorte de revival sons vintage 8bits Gameboy emporté par 2 jeunes de la Région. Long, sirupeux, plat, monotone, chiant. Tout le champ lexical péjoratif ne suffirait pas pour définir ce projet electro poppy vocodé à outrance. Il n’empêche qu’à Rennes, on a aimé ce groupe. Tous les goûts sont dans la nature ; mais les dégoûts aussi.

Splash Wave – Photo © Rod – Le HibOO

On ne change pas une équipe qui gagne : on reste à l’Ubu, pour cette fois-ci, une dose de rock vitaminé. Wonderboy. Un nom de groupe qui en dit long. On s’attend à s’en prendre plein les mirettes et les tympans, mais dès les premières secondes, on se dit, en bon vieux geek « finalement Wonderboy c’est quand même bien mieux quand on parle uniquement du jeu vidéo des années 80 ». Si l’on excepte le concept des écrans dispersés sur scène, rappelant bizarrement le show de feu Girls In Hawaii à l’Olympia en 2008, ou encore un son incroyablement maitrisé et puissant. Ou encore la sympathie que semble dégager les musiciens sur scène, le rock vu, revu, et archi revu de cette formation laisse de marbre. Une fois encore, le public apprécie et applaudit. Peut-être par politesse, ou bien je suis, une fois de plus, à côté de la plaque (probable). A noter une ambiance très weird dans le public : genre si tu me frôles, j’te pète la gueule. Peut-être une manière de dire « t’es à Rennes, sale con de Parisien ». Je sais pas.

Wonderboy – Photo © Rod – Le HibOO

Une grande pause nous attend, puisque le prochain concert que l’on décide de couvrir est Sallie Ford. Arrivés à l’entrée de la Salle de la Cité, on se voit refuser l’entrée : « il y a trop de monde, et les photographes ont été triés sur le volet ». Heureusement, Sallie est signée chez Fargo. Et Fargo + HibOO = Amour Pour Toujours. Aussi, Michel, le boss du label, me fait passer par l’entrée des artistes. Les fosses (public + photographes) sont pleines à craquer, et je me dis si le mec de la sécu ne nous a pas fait une petite crise de délit de faciès, mais qu’importe : Sallie est tout simplement le véritable premier bon concert des Trans. Son rockabilly complètement hors du temps, sa bonne humeur communicative – on a eu beaucoup de dépressifs jusqu’à maintenant – vont enflammer à sa juste valeur cette superbe salle à l’architecture dantesque. On reste plus que de raison, quasiment jusqu’à la fin, pour déguster ces distortions émanant de sa guitare 3 fois plus grosse qu’elle, et on espère sincèrement que la presse relaiera définitivement une vérité empirique « les artistes signés chez Fargo sont des artistes merveilleux ».

Sallie Ford – Photo © Rod – Le HibOO

Impossible d’aller au Parc Expo sans se transformer en petit gloutons à crêpes. Un repas gargantuesque était de rigueur car la prochaine étape est digne d’un marathon : il va falloir se rendre à Bruz, bourgade si peu connue que pour le voyageur occasionnel, l’on utilise l’expression « Le Parc Expo de Rennes ». Mais crois-moi, si un jour tu comptes aller aux Trans, dis toi qu’on s’est bien moqué de toi : il ne faut pas moins de 15 minutes en voiture, se retrouver une autoroute ténébreuse, avec, bien évidemment l’inéluctable GPS. Ou alors, de prendre des navettes, qui dépassent de 300% ses capacités d’accueil. Note-le bien. Une fois arrivé, ne sois pas étonné par l’aspect « base militaire Roswell » : les halls sont démesurés.

On se faufile à peine arrivé dans le Hall 9, avec l’intime conviction d’attendre le concert de Kakkmaddafakka … et l’on se retrouve devant Breton. Oui les Trans c’est ça aussi (21 groupes sont prévus entre 21h et 4h !). Et bien Breton, c’est plutôt pas mal. Rien de révolutionnaire, mais une pop rock electro catchy, efficace, emmené par le beau gosse de service pour faire rêver / fantasmer les groupies du premier rang, et hop, l’affaire est dans le sac. Mais mais mais … oui, on s’est trompé de salle !

Breton – Photo © Rod – Le HibOO

Kakkmaddafakka. Des norvégiens complètement barrés, survoltés, caricaturaux à l’extrême (cf. les 2 danseurs choristes champions du monde des chorégraphies les plus cheap jamais vues depuis un live de Philippe Katerine), mais l’on tient là un des meilleurs concerts, l’un des plus habités, l’un des plus festifs de ce 2 décembre. Le Hall 3 est en feu, les slams pleuvent, les hurlements de midinettes transpercent le cerveau : on se croirait à un concert d’I’m From Barcelona, mais avec un brin de folie supplémentaire. Le public a toujours raison. Je dis ça parce que dans l’espace pro, on considère cet OVNI hallucinogène comme une catastrophe, surjoué et surestimé. Une chose est sûre : quand tout le monde a les bras en l’air pour un groupe inconnu (il s’agit de leur 2e date en France), il est difficile de douter quant au succès prochain, en salles parisiennes, de ce combo venu officiellement du Nord, mais sans doute d’une autre planète.

Kakkmaddafakka – Photo © Rod – Le HibOO

Robin Foster. Grandiose. Point. Mais Robin Foster + Dave Pen en guest : orgasmique. Je pourrais en écrire des lignes, des romans, des tomes à la Harry Potter, c’était incroyable. Son impressionnant, charisme prodigieux, post rock d’une puissance phénoménale. Pis Dave Pen quoi. MON coup de coeur ultime de cette soirée.

Robin Foster – Photo © Rod – Le HibOO

Venant d’être giflé sur la joue droite, il fallait bien son pendant gauche pour rétablir l’équilibre : et c’est en Colin Stetson que je me suis pris ma 2e claque d’affilée. Maitre incontesté et incontestable du souffle continu – technique permettant d’expirer de l’air non stop tout en reprenant sa respiration, ce titan (pas d’autre mot) va ensorceler de manière quasi shamanique le Hall 4. Loopant son saxo alto ou trombone titanesque à la volée, tout ceci sans appareil électronique et artifices informatiques (cf. le souffle continu) … on se demande comment un mec a pu attirer autant de gens, que ces mêmes gens sont restés durant tout le concert, et qu’ils ont ovationné ce dernier jusqu’à en avoir les mains rougies après chaque titre. Un mec inclassable, ou style unique, et qui font sans doute des Trans un festival atypique : qui se serait permis de programmer un OVNI de cet acabit ? Bref, big love.

Colin Stetson – Photo © Rod – Le HibOO

Hollie Cook. Aka ZE grosse blague de la soirée. Pour tout dire, Magnifico, la blague du jour précédent programmé au Liberté, est un génie à côté de la fille de. Car oui, tout le monde est allé la voir car elle est la progéniture de Paul. Le célèbre. Mais le talent n’est pas une affaire d’atavisme. D’ailleurs beaucoup se sont demandés si la midinette à la jolie bouille n’était pas la simple choriste d’un rastaman présent sur scène qui lui a tout simplement volé la vedette. Avec une toile immense en fond sensée la representer façon graph – plus cheap, tu meurs, même les pochettes d’album de Didier Super sont travaillées comparativement – on se dit que si Les Trans avaient vraiment voulu faire dans l’original et la qualité, ils auraient mieux fait d’inviter Kassav. Oui c’est pourri aussi, mais au moins, ça groove. Hollie Cook, élue haut la main la big bouse de la soirée.

SBTRKT. Vus quelques semaines auparavant au Grand Palais – superbe prestation desservie par l’acoustique du lieu, qui s’il est magnifique, est juste totalement inadapté pour de la musique electronique dépassant allègrement les 100bB, ils étaient très attendus. D’ailleurs le Hall 9 sera blindé jusqu’à raz bord pour l’occasion. Toutefois, il semblerait qu’en ce 1er Décembre, le duo n’ait pas réussi à convaincre les foules. Bien évidemment, il ne faudra pas demander aux fans des 5 premiers rangs, qui ont du vivre, comme chacun des fans de chaque groupe du festival, son meilleur concert de sa jeune vie. Non. Il faudra, pour réaliser l’ampleur du désastre, se situer en fond de scène près de la régie. Telle une armée de zombies médusés par un lightshow stroboscopique, l’ambiance est plutot amorphe et attentiste. Dommage, le potentiel est palpable, mais il manque un truc pour que SBTRKT puisse être considéré, hors hype presse parisienne, comme un groupe incontournable. A revoir dans quelques mois, quelques années, le temps permettant à des projets bancals de devenir parfois cultes.

SBTRKT – Photo © Rod – Le HibOO

Avant d’assister au meilleur concert de la soirée – Stuck In The Sound – le public, en hall 3, a pu se délecter des facéties de Luz, aka le dessinateur de Charlie Hebdo menacé de mort depuis qu’il a osé – ô mon dieu – caricaturer un certain prophète. Mais c’est en DJ cabotin, allumé et complètement frappadingue jusqu’à éprouver un LOL attendrissant que le bonhomme sévit. Un set résolument rock, gonflé à toc, où Feist se prend des BPM dans les fesses jusqu’à en devenir ultra sexy, où le mec se dessine sur son visage, où des projections de ses dessins permettent de réaliser à quel point le mec ne connait pas la notion de retenue et de censure. Du grand n’importe quoi, limite farce, mais l’objectif est rempli : le public est chaud bouillant avant même d’entre la moindre première note du meilleur groupe rock parisien. Et vu la démonstration infligée à Rennes, le meilleur groupe rock français.

Luz – Photo © Rod – Le HibOO

Stuck In The Sound avait laissé les esprits avec un album remarquable, remplis de tubes à la pelle, sans la moindre concession. Mais le public rennais va avoir la primeur de se prendre en pleine face des titres inédits du prochain album Pursuit, prévu dans les bacs en janvier 2012. Et le moins que l’on puisse dire, qu’il s’agisse de la maitrise du son – malgré l’ampleur de la salle, qu’il s’agisse de la présence scénique – de véritables démons habités, qu’il s’agisse de la puissance des titres, Stuck In The Sound appartient définitivment à cette catégorie, rare, des rouleaux compresseurs. Ce genre de groupes à qui rien, ni personne ne peut résister, parce que l’ensemble des composants est proche de la symbiose parfaite. José Reis Fontao, frontman charismatique à l’extrême, mène la danse et envoie tout le monde KO. La presse spécialisée est partie se reposer à l’hôtel, mais le public, malgré l’heure tardive (on se demande d’ailleurs pourquoi un tel tsunami sonore a été programmé à l’horaire le plus extrême du festival), a répondu présent, et semble avoir apprécié à sa juste valeur les nouvelles compositions. Qui annoncent tout simplement la couleur : Stuck va revenir avec un album tonitruant, décapant et qui, à mon sens, va rivaliser sans le moindre complexe avec les productions internationales. Subjectivement (je les connais) ? Sans doute le meilleur concert. Objectivement ? Sans doute le meilleur concert.

Stuck In The Sound – Photo © Rod – Le HibOO

Il est 4h15 … DODOOOOOOOOOOOOOOOOOO. Les Trans m’ont tueR.

À propos de l'auteur :
Rod

Fondateur du site du Hiboo reconnu pour la qualité de ses sessions acoustiques filmées, Rod est non seulement l'un des photographes / vidéastes de référence dans l'hexagone, mais aussi le Martin Scorsese des sessions Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2010.

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