Transmusicales 2011, Day 3 – Live Report par Le HibOO

Live report

C’est avec des corps exténués, voire détruits qui n’ont pas pu/su récupérer de leur courte nuit que l’on décide de commencer le festival par la Cité. 3 groupes y sont programmés. Et parce que l’on n’aura jamais rien compris à l’histoire des contremarques, même qu’on a payé, comme les gens sans 300 bracelets de couleur différente qui en théorie permettent d’aller partout.

Je ne suis pas persuadé que beaucoup de gens retiendront le nom d’Epic Rain. Pour ma part, il s’agit tout simplement d’une des meilleures découvertes de ce festival ! D’un côté, un flow granuleux, glutural, écorché, où les syllabes sont envoyées à la tronche du public comme des shurikens aiguisés, le tout enrobé par un charisme phénoménal. De l’autre, un clown aux yeux magnifiques, à la voix ample et magistrale, d’un lyrisme époustouflant, qui aurait davantage sa place dans une formation folk indie. Ces 2 voix si diamétralement opposées fonctionnent néanmoins à l’unisson. Le tout orchestré par un DJ qui, telle une fable et ses multiples rebondissements, envoie nos 2 prodiges vers la folk perfusée sous beat, le cabaret orchestra bordélique façon Tom Waits, ou de lourdes sonorités électroniques. Le seul reproche ? Le concept, qui se rapproche davantage d’un spectacle plutôt que d’un live où le freestyle peut faire partie du jeu, s’essoufle vers la fin du set : l’apothéose tant attendue laisse place à une forme de lassitude. Mais ce n’est qu’une histoire de temps pour que la prestation cinématographique d’Epic Rain ne trouve écho. A surveiller.

Epic Rain – Photo © Rod – Le HibOO

Ghostpoet est l’archétype même d’un power trio anglais efficace, redoutable techniquement (my god le batteur), qui arrive plus ou moins en terre conquise (Les 3 groupes programmés à la Cité sont axés autour du hip hop et de ses infinies variantes) et … non. Ca ne prend pas. Si les premiers titres laissent clairement entrevoir un talent fou, le manque de patate sur scène (le jeu se résumant à relever toutes les 3 secondes ses lunettes, façon Leolio dans Hunter X Hunter, on a vu mieux), la répétitivité des chansons, et sans doute l’horaire trop avancé pour être dans le bain auront raison des plus motivés, qui commenceront à quitter discrètement la salle. Qui demeurera suffisamment remplie pour ovationner comme il se doit ces britanniques sans doute intimidés : une première date en France devant un public néophyte doit être perçue comme une épreuve.

GhostPoet – Photo © Rod – Le HibOO

On zappera Blackjack Jax, en espérant ne pas manquer la prochaine star de demain, et l’on se dirige à Bruz. Hier, j’évoquais la distance assez folle avec le centre ville. Pour te donner une idée, c’est un peu comme si à Paris, tu avais un festival à Beaubourg, mais que les concerts principaux, le soir, se trouvaient à Massy. C’est un peu le concept du Parc Expo. D’ailleurs cette fois-ci, on n’a pas fait les choses à moitié : on s’est trompé de voie sur l’autoroute :) On arrive juste pour le concert de Carbon Airways. 2 gamins de 16 ans au grand max, l’une totalement déjantée au possible dans son jeu de scène, l’autre, petit bout de chou, renfermant déjà pour son âge une colère atomique. Inéluctablement, un côté freak et/ou prodige se dégage du duo, mais la musicalité l’emporte : leur electro indus surpuissant, compressé dans tous les sens, au tempo idéal pour donner envie de se battre / faire l’amour sauvagement / se dévisser la boîte crânienne de la colonne vertébrale (choix multiples possibles) est imparable. Les vibrations dantesques sont telles qu’un groupe comme Prodigy, à titre de comparaison, donne l’impression de faire de la valse. Sauf que voilà : hormis le côté orgasmique de la chose, et une fois l’effet de surprise passé (musique de frappadingue emmnée par 2 gosses flippants qui sortent à peine de l’enfance), que reste-t-il ? Ne boudons pas notre plaisir : au diable la non-créativité et la non-diversité du set, le son était monstrueux. MONS-TRU-EUX.

Carbon Airways – Photo © Rod – Le HibOO

La fatigue frappe nos corps et surtout nos esprits et peu de groupes trouvent écho dans nos têtes en phase d’indigestion sonore (trop de concerts en même temps) : sans doute que dans d’autres circonstances, on aurait aimé Mexican Institute of Sound, ou Shabbazz Palaces. On aurait pu faire l’effort de rester pour voir les 15 minutes surréalistes du Pockemon Crue. On aurait pu rester pour se faire dévisager, à coup de décibels dépassant les normes en vigueur, pour le DJ set d’Agoria … non. Tout cela était désormais impossible, les acouphènes sont plus présentes que jamais, et le peu de forces restantes seront dédiées à l’artiste ultra surbuzzé du moment, le rebelle repenti Hanni El Khatlib. Qui sonnera le glas. Sans être méchant, un mec qui prend des poses « Dieux du Stade » toutes les minutes, qui rend fou les minettes du premier rang avec ses regards à la James Dean mais en plus bovin (ah bah oui, n’est pas James qui veut), et qui gesticule dans tous les sens pour compenser le vide de ses mélodies : ça prend, oui, mais ne nous leurrons pas … le rock d’Hanni est banal, et n’a rien de sexy. Et puis quand on sait qu’un mec comme Paulo Furtado, aka Legendary Tigerman, fait mieux, dans le même genre, tout seul (il est batteur/chanteur/guitariste) avec plus de classe et de glam … comment ça n’a à voir ? Côté public, ce n’est pas non plus l’extase attendue – nonobstant un hall 3 plus que complet, et si l’on excepte les premiers rangs qui voient davantage un être consommable qu’un musicien émérite, l’ambiance n’était pas vraiment au rendez-vous (j’émettrais toutefois une réserve : placer ce mec au milieu de trucs électro bourrins, même si le mec gratte comme un malade tout en se contorsionnant, ça apparaît faiblard). Une énorme déception pour ma part (j’en attendais sans doute trop, ou à revoir dans d’autres circonstances plus appropriées)

Hanni El Khatlib – Photo © Rod – Le HibOO

Au final, que penser des Transmusicales 2011 ? En n’ayant vu qu’un 1/10e de la programmation, émettre un jugement serait quelque peu inadéquat. Toutefois, si l’on excepte le côté malchance (je n’aurais choisi que de mauvais concerts), il me semble que jadis, les affiches passées proposaient des formations moins obscures, ainsi que des têtes d’affiches « un peu » connues. Maybe I’m wrong, et peut-être ai-je manqué l’essence même de cette 33ème édition. Quoiqu’il en soit, je suis reparti avec 6 groupes qui auront contribué à mon éphémère bonheur, et ne peut donc que remercier le festival rennais de les avoir mis en valeur : Epic Rain, Colin Stetson, Stuck In The Sound, Robin Foster, Sallie Ford et Breton.

À propos de l'auteur :
Rod

Fondateur du site du Hiboo reconnu pour la qualité de ses sessions acoustiques filmées, Rod est non seulement l'un des photographes / vidéastes de référence dans l'hexagone, mais aussi le Martin Scorsese des sessions Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2010.

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