TRIBE – Rebirth

Tribe Rebirth

Jazz américain / 2009. Le bidouilleur Carl Craig, qu’on sait depuis toujours fin amateur de jazz, est allé sortir de leur torpeur la dream team du collectif Tribe qui officiait dans les années 70 à une époque où tout restait à faire. Toujours excité à l’idée de redécouvrir la légende et de voir se confronter production actuelle et compositions vintage, il y avait de quoi attendre de pied ferme le quartet Wendell Harrison, Phil Ranelin, Marcus Belgrave et Doug Hammond.
Une voix rauque sur « Living In A New Day » nous annonce un retour en trombe mais dès
« Glue Finger », il faut avouer que l’adhésion n’est pas totale à cause d’une alternance trompette / saxo un peu édulcoré, un peu trop easy listening. Très vite le problème de « Rebirth » va apparaitre comme une évidence : il s’agit d’un disque parfaitement produit, aux compositions classiques mais efficaces, et à la technicité exemplaire, mais qui ne prend aucun risque, qui caresse dans le sens du poil au point de finir par ressembler plus à un hommage qu’à une remise au goût du jour.
Malgré une introduction mystérieuse qui dresse le canevas d’un jazz exigeant qui sans chercher à brusquer l’auditeur aime à lui faire quelques petites frayeurs, « Denekas Chant » n’arrive pas à s’imposer face au poids des maîtres, la tentative est noble mais le résultat est vain. L’homogénéité entre nouvelles compositions et reprises n’arrivent pas à faire oublier les constructions milles fois éprouvés où thèmes et solos s’alternent à tout de rôle. S’adonnant à un jazz vocal un peu anachronique plus par copinage que pas passion (« Where Am I »), où affichant un clavier qui ne se mouille pas trop (« Ride »), Tribe n’arrive donc pas à convaincre pleinement.
Pourtant, dans ses meilleurs moments, lorsque tous les instruments sont à l’unisson et se battent pour une cause commune, Tribe arrive vraiment à absorber l’auditeur dans une ambiance chaude que ne démentira pas le jeu fin et rapide du bassiste (« Vibes From The Tribe »). En parlant de basse, il faut bien réaliser à quel point toute la puissance de ce « Rebirth » repose sur la section rythmique basse/batterie qui ne cesse d’émouvoir et de surprendre. C’est le cas sur « Jazz On The Run » qui est de loin la piste la plus passionnante de l’album via unes prestation technique de grande qualité.
Frustré de voir le groupe ne pas suffisamment sortir des sentiers battus et réappliquer, avec un brio certes évident, les codes balisés qu’a imposé Miles Davis, on en finit par savourer ce « Rebirth » dans l’instant présent, conscient qu’il ne s’agit pas d’un grand disque mais d’une sympathique piqure de rappel.
Note : 6,5/10

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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