ZOLA JESUS – Stridulum

Chronique

 

Les desseins adolescents qui poussent à s’affilier à des mouvements, à des castes culturelles, et à revêtir les accoutrements répondant à un code normé sont depuis longtemps tournés en dérision par des adultes qui n’y voit qu’immaturité et reflet de leurs propres écarts. Le sens de l’apparence qui pouvait être cultivé et adulé au début de The Cure et Killing Joke ne fait plus recette. Pourtant lorsqu’on laisse la fantaisie prendre part au jeu, et que l’on occulte les tentatives de rhétorique à fins déstabilisantes, la maturité peut légitimement se développer dans un contexte porté par l’extravagance.


A 20 ans Nika Roza Danilova a déjà eu le temps de rendre hommage à ses idoles, Siouxsie Sioux en tête, de se les approprier et de les transfigurer. Dans une imagerie des plus Bat Cave, elle franchit avec « Stridulum » le seuil de l’affirmation qui précède la confirmation. Les ambiances sont lourdes et angoissantes (« Night »), les claviers aux sonorités obscures plongent l’âme dans des tréfonds où la rythmique est pieds et poings liés (« Trust Me »). Mais à chaque fois que le disque va happer définitivement l’auditeur, celui-ci est sauvé par un éclair vocal, une harmonie dont la luminosité transperce les ténèbres (« Manifest Destiny »).


Nika Roza Danilova a toujours affirmé en interview son attrait pour les chanteuses à voix emblématiques comme Diamanda Galas et Tina Turner, et n’hésite pas à se positionner malgré son style comme telle. Sur une batterie martiale, sur un clavier d’obédience gothique, elle déploie un chant dont l’intensité vise les cimes des cantatrices (« Stridulum »). Sous le seul impact de la profondeur sa voix, elle transforme des instrumentations à rimmel en monument de noirceur touchante.


Six titres pour définir les contours de la mutation, six titres et seulement 20 minutes pour mettre un terme aux à priori ; sous son maquillage, Zola Jesus cache un grand EP.

À propos de l'auteur :
Benjamin

Cofondateur de Playlist Society (revue culturelle et maison d'édition), Benjamin est le responsable éditorial de Société Pernod Ricard France Live Music depuis 2008. En 2015, il a publié "Le renoncement de Howard Devoto", une bio-fiction, à la gloire du fondateur des Buzzcocks et de Magazine, qui retrace la genèse du mouvement punk en Angleterre.

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